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Propos d'un ancien du SDECE
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15 mars 2014

la justice et les écoutes.

La justice et les écoutes.

Les écoutes ont longtemps été le fait exclusif des services de renseignement. Elles constituent indéniablement une violation de la vie privée. La justice s'est longtemps émue de ce pouvoir exorbitant qu'avaient ces services et qui fut longtemps considéré comme une atteinte à la démocratie, pour demander à les contrôler. Petit à petit, la législation leur a donné satisfaction, allant même jusqu'à autoriser la justice à procéder, de sa simple initiative, à des écoutes qui deviennent alors légales, puisqu'elles sont couvertes par la loi.

Cette évolution entraîne des effets pervers importants.

1- Le premier concerne les citoyens écoutés.

Être écouté par un service de renseignement n'a aucune incidence sur la vie privée de l'écouté : ces écoutes étant illégales, elles ne peuvent être utilisées devant une juridiction, et leur divulgation est un délit.
Alors, à quoi servent-elles ?
Réponse : à protéger le pays, en fonction des missions qui ont été confiées à ces services.
Illustration : par écoutes, un service apprend qu'un acte criminel est projeté au jour J en un lieu XY. Saisir la justice sur ces seuls éléments serait contre productif : le délit n'ayant pas été réalisé, les avocats de la défense auront beau jeu de démontrer que leurs clients n'ont rien fait de mal … Ils seront libérés, (voire indemnisés), le service en question aura perdu du temps et de l'argent, et les coupables utiliseront désormais d'autres moyens de communication.
Un service avisé (et ils le sont en général) exploitera ces écoutes, sans en faire état, de manière indirecte : par exemple en programmant le passage d'une patrouille de sécurité le jour J au lieu XY.
Les malfaiteurs pris en flagrant délit feront l'objet d'un procès en bonne et due forme, pour participation à un délit puni par la loi. L'accusation et la défense feront leur travail, à charge et à décharge, et la justice rendra son verdict en toute impatialité, et en toute indépendance.
Conclusion : Les écoutes téléphoniques des services de renseignement ne visent pas la vie privée des citoyens en tant que tels, mais simplement les délits que le pouvoir leur a demandé de combattre. Dans l'exemple ci-dessus, ceux qui seront présentés à la justice seront ceux qui auront été interpellés sur le terrain, et non pas ceux qui auront été enregistrés (il peut arriver que ce ne soient pas les mêmes).
Corrolaires :
les écoutes des Services correspondent à des objectifs opérationnels : les personnes écoutées ne le sont pas forcement parce qu'elles sont suspectes. Certaines peuvent l'être pour leur protection ; parce qu'elle occupent des fonctions exposées, et que dans leur intérêt, il est souhaitable de surveiller leurs correspondants.
Les écoutes des Services sont réalisées par des professionnels du Secret, qui ne s'adressent qu'à des professionnels du Secret. Ces spécialistes enregistrent des milliers d'heures d'écoutes par an. Il n'y a jamais eu la moindre fuite. Alors que dès que la justice a connaissance d'informations « croustillantes », le lendemain tout paraît dans la presse. Les écoutes dela justice sont une triple atteinte à la liberté des citoyens :
a) elles portent atteinte à l'intimité de la vie privée
b) officialisant les enregistrements, elles mettent en demeure « l'écouté » de justifier ses propos.
c) ce faisant, elles le mettent en position d'accusé, au mépris de la présomption d'innocence auquel tout citoyen a droit.


Le second concerne le juge qui ordonne les écoutes.

Un juge, c'est quelqu'un qui rend des jugements.     
Ceux-ci doivent être impartiaux, et tenir compte des observations à charges et à décharge des parties.   
Or, dans une écoute, il y a une grande part d'interprétation, car l'expression orale est souvent imprécise et comporte des sous-entendus qui sont peu compréhensibles en dehors des deux interlocuteurs. De plus les éléments des conversations demandent des recoupements et des vérifications. Bref, une conversation enregistrée demande pour être compréhensible un minimum d'investigations.
Si celles-ci sont le fait du juge d'instruction, celui-ci perd sa neutralité : on ne peut être juge et partie.
Il est stupéfiant de voir nos magistrats, si rigoureux pour remettre en liberté les prévenus que la police a réussi à arrêter, dès qu'un délai de garde à vue a été dépassé, ou que le moindre vice de forme a été constaté, faire preuve sans retenue de parti pris opiniâtre et téméraire dès que l'interprétation des rapports d'écoutes qui leur sont transmis permet de satisfaire leur engagement politique.  
Qu'un partisan revête la robe du juge pour habiller ses prises de position personnelles des atours de l'objectivité judiciaire est inacceptable.


Le métier d'espion n'est pas fait pour eux. Il est incompatible avec leur déontologie. Qu'ils le laissent aux professionnels.


Le troisième concerne la justice.    

La justice doit être indépendante, mais elle n'a pas à être « souveraine ». Seul le peuple est souverain, et le pouvoir ne se partage pas.  
La démocratie est certes le respect du suffrage universel. Mais cela ne suffit pas : les plus grands dictateurs de la terre (Staline, Hitler, Pol Pot, Mao Tse Tung, …) ont obtenu leur mandat sur des victoires électorales indéniables. Cela en fait-il des démocrates ?
La démocratie, ce n'est pas seulement arriver au pouvoir de façon majoritaire, c'est aussi et surtout gouverner en respectant la volonté de ses électeurs. Celle-ci s'exprime normalement par l'indépendance (les uns vis-à-vis des autres) des différents services régaliens de l’État, mais cela suppose aussi  qu'aucun d'entre eux n'ait autorité sur les autres : si cela se produit, le régime n'est plus démocratique mais dictatorial. Une dictature des juges est une dictature, comme celles des militaires, de l'argent, des policiers, des idéologies ou des religions.   
Une justice qui se croit autorisée à perquisitionner de sa propre initiative (même si elle s'abrite derrière « l'indépendance du juge d'instruction » dans les autres ministères viole la séparation des pouvoirs et manifeste son déni de démocratie.

En démocratie, la compétence de la justice s'arrête là où commence celle de l’État.

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