Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Propos d'un ancien du SDECE
Propos d'un ancien du SDECE
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 29 180
8 mai 2015

les Rafale, les Mistral, le BND et la politique de l'Oncle Sam

Les Rafale, les Mistral, la BDN et la politique de l'Oncle Sam.
Point de vue d'un spécialiste des trafics d'armes.

 

Selon la Presse, le BND (services secrets allemands) auraient espionné l’Élysée à la demande ses Américains. C'est naturellement en partie faux ; le BND n'avait nullement besoin que la CIA lui en fasse la demande, pour espionner l’Élysée. Tout au plus les Allemands ont-ils pu comptabiliser et monnayer les informations qu'ils recueillaient sur la politique française auprès des USA.

En quoi ce sujet pouvait-il intéresser nos amis d'Outre-Atlantique ? Toujours selon la Presse, ces derniers voulaient protéger Boeing de la concurrence que lui opposait Air Bus. C'est évidemment invraisemblable : Air Bus étant aussi allemand que français, on imagine mal le BND travailler contre son propre pays.

Si la CIA s'est intéressé à l'aéronautique française, au point de solliciter la collaboration allemande, ce n'est évidemment pas Air Bus qui était visé, mais le Rafale. Cette hypothèse est conforme à la réalité : les Américains, jusqu'en 2013, se sont opposés à toute velléité française d'exporter son avion fétiche.

Et ceci, non seulement pour des raisons commerciales, mais aussi stratégiques : le Rafale étant un avion polyvalent, capable de remplir 7 types de missions spécifiques suivant les équipements dont on l'équipe (interception, bombardement, appui au sol, reconnaissance, acquisition d'objectif, catapultage à partir de porte-avions et tir de missile nucléaire).

Toute vente de cet appareil à un pays tiers est assimilable à celle d'un vecteur pour arme atomique.

 

Pourquoi les USA ne se sont-ils pas opposés à nos tractations avec l'Inde ?

Contrairement au Maroc et à la Suisse, l'Inde possède la bombe A. Les Américains auraient dû tout faire pour faire échouer ce nouveau contrat. Deux observations permettent de comprendre leur soudaine permissivité : par ses interventions en Afghanistan et en Libye, la France a retrouvé la confiance des États-Unis, qui l'ont d'ailleurs aidée matériellement lors de l'opération Serval.

Mais surtout, vendre des Rafale à l'Inde, c'est lui donner un avantage certain de dissuasion nucléaire contre ses deux ennemis potentiels que sont la Chine et le Pakistan. En clair, cela permet de fragiliser la crédibilité militaire chinoise, sans nuire au développement de bonnes relations économiques sino-américaines (puisque c'est la France qui agit), et sans conforter la puissance russe, qui voit son allié indien conserver son indépendance, et la souveraineté de ses initiatives.

 

Alors pourquoi toute cette gesticulation pour empêcher la vente des Mistral à la Russie ?

Parce que depuis la chute de l'URSS, l'équilibre mondial en matière de défense repose sur le trinôme USA-Russie-Chine. Chacun de ces trois pays se trouvent en état d'infériorité dès lors qu'il est opposé aux deux autres. Si la vente des Rafale contribue à l'isolement de la Chine, le fiasco de celle des Mistral prive la Russie d'un matériel qui lui aurait été précieux, notamment en Mer Noire et en Méditerranée.

La vente des Rafale à l'Inde (contrat originel) a été suivie par celles du même appareil à l' Égypte et au Qatar.

Pourquoi les USA ne se sont-ils pas opposés ?

D'abord parce que ces deux pays n'ont pas l'arme nucléaire. L'avantage que leur procure cet appareil est donc limité au domaine tactique.

Ensuite, parce que l'évolution de la politique américaine vis à vis des Chiites (Iran, Irak, Syrie) et des Sunnites (Arabie, Turquie, Égypte) les amène à se démarquer de leur rôle de protecteur vis à vis de leurs alliés d'hier, sans donner l'impression de les abandonner. Il n'est donc pas inutile qu'un pays tiers (la France) se charge des missions qui porteraient trop l'empreinte des États-Unis.

 

Qu'est-ce-que la BND vient faite dans cette affaire ?

Espionner l’Élysée (ou les Services français) n'est pas on objectif que l'on peut atteindre du jour au lendemain. Il faut étudier l'environnement, définir des étapes intermédiaires, procéder à des recrutements et des compromissions, mettre en place des mesures de contrôles,...

Bref, entre le moment où le Service de Renseignement reçoit de la part de son Gouvernement son orientation (et l'enveloppe budgétaire nécessaire), et celui où il peut produire les premiers renseignements exploitables, il peut s'écouler plusieurs années. C'est à dire que le temps de réponse d'un service de renseignement au reçu d'une mission nouvelle est souvent supérieur à celui pendant lequel l'autorité gouvernementale éprouvera de l'intérêt pour le sujet... Il en est des missions de renseignement comme des centrales nucléaires : elles sont aussi longues à mettre en place, et leur démontage coûte aussi cher que leur implantation (car on ne coupe pas les ponts sans contrepartie avec ceux que l'on a compromis).


Alors comment les services de renseignement font-ils pour s'en sortir, avec des directives gouvernementales qui changent à chaque alternance ?

En jouant sur la polyvalence.

Explication : supposons qu'au lendemain de la chute de Kadhaffi, les Américains aient demandé aux Allemands de relâcher leur surveillance de l’Élysée. Lors de la prochaine réunion d'orientation du BND, cette mission sera supprimée, et les ressources de ce service se verront amputées des budgets correspondants.

Et supposons (toujours) que dans les directives nouvelles que le BND reçoit (avec financement) figure l'identification des filières clandestines de l'immigration turque en Allemagne. Si, par hasard, l'espionnage de l’Élysée faisaient apparaître des informations sur l'émigration maghrébine en Europe, le BND aura tout intérêt à maintenir ces écoutes, au moins aussi longtemps que les opérations destinées à satisfaire les orientations nouvelles aient pu porter leur fruit.

Il s'agira moins d'écouter les Français que de profiter des informations françaises sur les sujets qui intéressent le gouvernement allemand.

 

Conclusion :

Quelle est l'origine de l'information disant que « le BND espionnait l’Élysée à la demande de la CIA » ?

Elle ne se trouve certainement pas en Allemagne.

Par contre les USA avaient tout intérêt à la divulguer. En effet, leur action déstabilisatrice en Ukraine, et dont l'Europe et la Russie sont les victimes, risque d'amener la France et l'Allemagne à prendre leurs distances vis à vis de leur allié américain.

 

Rien de tel qu'une bonne information polémiste de la presse pour nuire aux relations entre ces deux pays pour la plus grande satisfaction des États-Unis.

Publicité
Publicité
Commentaires
B
Merci pour cet article qui explique bien des choses !
Répondre
Publicité