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Propos d'un ancien du SDECE
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27 février 2014

Poutine, l'Ukraine et l'Occident

Poutine, l'Ukraine et l'Occident.

 

Il y a quelques mois, les déclarations conjointes de B. Obama et de F. Hollande laissaient craindre une opération militaire franco-américaine contre la Syrie. Il n'y avait aucun risque que cela ne se produise : d'abord parce que la présence d'une flotte russe importante en Méditerranée aurait entraîné des combats directs entres forces navales américaine et russe (qui se sont souvent menacées, mais jamais combattues). Ensuite, parce que l'ouverture d'un conflit (même limité) dans ces conditions aurait restauré l'équilibre des forces de la guerre froide : d'un côté l'occident, de l'autre une alliance Russie-Chine.

 

Or c'est une configuration dans laquelle le bloc americano-occidental est perdant. Pour la briser, les USA avaient dû abandonner leurs alliés vietnamiens, cambodgiens et laotiens. Même si B. Obama n'a pas connu cette situation, les spécialistes du CFR (Council Foreign Rule) ne pouvaient l'avoir oubliée, et les Américains, qui dépensent des fortunes pour avoir les meilleurs experts mondiaux dans tous les domaines, les écoutent quand ils donnent leurs avis. Obama a dû renoncer à intervenir en Syrie.

 

Les événements d'Ukraine constituent une situation « miroir » à ceux de Syrie. La presse de ce jour recensant les investisseurs qui pourraient financer la dette ukrainienne mentionne les USA, mais aussi le Japon et la Chine. C'est à dire qu'une intervention russe en Ukraine provoquerait une alliance Europe-USA-Chine, la même que celle qui, à partir de 1978 (guerre du Vietnam contre la Chine) avait acculé l'URSS à la faillite.

Plutôt que la guerre (qui aurait entraîné sa destruction complète), l'URSS et le KGB avaient préféré désoviétiser.

 

Ces événements sont relativement récents, Poutine les a connus, et il ne peut pas ne pas s'en souvenir.

 

Certes, l'image qu'il donne de lui-même, et sa mégalomanie qui peut paraître puérile aux Occidentaux, peuvent laisser craindre le pire, comme cela s'est produit en Géorgie en 2008. Mais les enjeux et la situation sont très différents. La Géorgie est un petit pays de six millions d'habitants, enclavé dans des républiques russes ou alliées de la Russie. Poutine pouvait donner l'ordre à son armée de l'investir sans risque, à condition que cela soit rapide, et proposer de négocier au moment où l'opinion mondiale commencerait à s'inquiéter sérieusement. L'Ossétie et l’Abkhazie furent séparées de la Géorgie avec l'assentiment des démocraties, trop heureuses de voir le conflit s'arrêter. Bref, ce fut un sans-faute de la part de Poutine.

 

L'Ukraine est un grand pays de près de 50 millions d'habitants, qui jouxte la Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie et la Pologne, tous membres de l'OTAN. Une intervention des blindés russes en Ukraine serait moins rapide que l'expédition de 2008 en Géorgie, provoquerait des tensions, voire des heurts avec ses voisins occidentaux, éventuellement avec l'OTAN, et aurait suffisamment de retentissement, pour sceller des alliances mortelles pour la Russie.

 

Poutine a fait un sans-faute en Géorgie et en Syrie. En particulier lors de l'affaire des gaz utilisés par des « combattants » prétendument syriens (pour le clan americano-sunnite) et insurgés (pour le clan irano-syrien), il a eu l'habileté de ne pas jeter de l'huile sur le feu, et de permettre ainsi à B. Obama de se retirer du conflit sans donner l'impression de se déjuger. Poutine savait qu'il pouvait compter sur le professionnalisme du CFR.

 

Mais, s'il semble improbable de voir l'armée russe ouvrir le feu en Ukraine, rien ne s'oppose à ce que Moscou soutienne en sous-main les habitants de Crimée qui seraient tentés par un rattachement à la Russie. Ce pays, rattaché à l'Ukraine depuis 1954, a proclamé sa souveraineté en avril 1991, et bénéficie depuis mai 1992 d'une large autonomie.

 

Poutine pourrait accepter le rapprochement européen de l'Ukraine, en échange de la Crimée.

 

Sujette de la Russie pendant la première guerre mondiale, l'Ukraine a proclamé son indépendance reconnue par la France et l'Angleterre lors de la révolution de 1917. De 1919 à 1921, les armées soviétiques ont écrasé et soumis le pays. Comme cela ne suffisait pas à extirper le nationalisme ukrainien, en 1934, Staline a organisé un pillage des campagnes tel que 5 millions de paysans moururent de faim. En 1941, les troupes allemandes l'envahirent, massacrant la population, et mettant en place un régime qui leur était favorable. En 1943, même scénario, mené cette fois par les Soviétiques. De 1946 à 1954, le pays est en proie à une guerre civile,matée par les troupes d'URSS et de Pologne.
Au lendemain de la guerre 14/18, l'Ukraine est le seul pays au monde à avoir connu 5 génocides en trente ans. Le nationalisme qui anime ses habitants est trempé par ces massacres, et la Russie sait que la haine qu'elle a provoquée ne peut pas s'effacer sur un simple arrangement politique.

 

Alors, côté russe, la liberté de l'Ukraine contre l'acquisition de la Crimée, pourquoi pas ?

 

Et pour nos démocraties, le droit à l'indépendance d'un peuple martyr de 50 millions d'individus, contre l'annexion à la Russie d'un territoire de 2 millions d'habitants, dont la moitié sont des Russes, cela ne vaut-il pas mieux qu'une sixième destruction de l'Ukraine en moins de 100 ans ? Les sHeuls qui pourraient s'inquiéter de voir le drapeau russe sur Sébastopol, ce sont les Turcs, mais ça, c'est une autre affaire...

 

 

Hervé Le Bideau.

Bressolles, le 27/02/14

 

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